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Book online «Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique, Albert Robida [books to read for 13 year olds .TXT] 📗». Author Albert Robida



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si�cle dernier. Aux premi�res notes, on fut fix� sur le pauvre Faure: il �tait aussi enrhum� que la Patti ou que l'�toile de l'Op�ra de Yokohama. Qu'est-ce que cela voulait dire? On passa aux com�diens. H�las! Mounet-Sully, le puissant tragique d'autrefois, paraissant dans le monologue d'Hamlet, �tait compl�tement aphone; Coquelin cadet, dans un des plus r�jouissants morceaux de son r�pertoire, ne s'entendait pas davantage! Et ainsi des autres. �trange! Quelle �tait cette plaisanterie?

�tait-ce une mystification?

Furieux, M. Philox Lorris fit arr�ter le T�l� et se leva pour chercher son fils.

Georges et Estelle, de leur c�t�, demandaient partout Sulfatin. Philox Lorris les arr�ta dans un petit salon.

�Voyons, dit-il, vous �tiez charg�s de la partie musicale; que signifie tout ceci? Je donne carte blanche pour l'argent, je veux les premiers artistes d'hier et d'aujourd'hui, et vous ne me donnez que des gens enrhum�s?

—Je n'y comprends rien! dit Georges; nous avions des clich�s de premier ordre, cela va sans dire! C'est tout � fait inou� et incompr�hensible...

—D'autant plus, ajouta Estelle, que, je dois vous l'avouer, je me suis permis hier de les essayer au T�l� de Mme Lorris: c'�tait admirable, il n'y avait nulle apparence d'enrouement...

—Vous avez essay� le clich� Patti?

—Je l'avoue...

—Et pas de rhume?

—Tout le morceau �tait ravissant!... J'ai remis les clich�s � M. Sulfatin, et je cherche M. Sulfatin pour lui demander...�

Georges, qui, pendant cette explication, avait gagn� le cabinet de Sulfatin, revint vivement avec quelques clich�s � la main.

�J'y suis, dit-il, j'ai le mot de l'�nigme. Sulfatin a laiss� passer la nuit � nos phonogrammes musicaux en plein air, sous sa v�randa... En voici quelques-uns oubli�s encore; la nuit a �t� fra�che, tous nos phonogrammes sont enrhum�s, tous nos clich�s perdus!

—Animal de Sulfatin! s'�cria Philox Lorris, voil� mon concert g�ch�! C'est stupide! Ma soir�e sombre dans le ridicule! Toute la presse va raconter notre m�saventure! La maison Philox Lorris ne manque pas d'ennemis, ils vont s'esclaffer... Que faire?...

—Si j'osais... fit Estelle, avec timidit�.

—Quoi? osez! d�p�chez-vous!

—Eh bien! M. Georges a pris en double, pour me les offrir, les clich�s de quelques-uns des meilleurs morceaux du programme, ceux que j'ai essay�s hier... Je cours les chercher, ceux-l� n'ont pas pass� par les mains de M. Sulfatin, ils sont certainement parfaits...

—Courez, petite, courez! vous me sauvez la vie! s'�cria M. Philox Lorris. Oh! la musique! bruit pr�tentieux, tintamarre absurde! comme j'ai raison de me d�fier de toi! Si l'on me reprend jamais � donner des concerts, je veux �tre �corch� vif!�

Il retourna bien vite au grand salon et fit toutes ses excuses � ses invit�s, rejetant la faute sur l'erreur d'un aide de laboratoire; puis, Estelle �tant arriv�e avec ses clich�s particuliers, il la pria de se charger elle-m�me de les faire passer au t�l�phonoscope.

Estelle avait raison, ses clich�s �taient excellents, la Patti n'�tait pas enrhum�e, Faure n'avait aucun enrouement, chanteurs et cantatrices pouvaient donner toute l'ampleur de leur voix et faire r�sonner magnifiquement les sublimes harmonies des ma�tres. A chaque diva c�l�bre, � chaque t�nor illustre qui paraissait dans le T�l�, un frisson de plaisir secouait les rangs des invit�s et des dames s'�vanouissaient presque dans leurs fauteuils.

Encore une fois, Sulfatin avait eu une distraction, lui qui n'en avait jamais. Pour un homme d'un nouveau mod�le, in�dit et perfectionn�, � l'abri de toutes les imperfections que nous l�guent nos anc�tres en nous lan�ant sur la terre, il faut avouer que le secr�taire de Philox Lorris baissait consid�rablement; � tout prendre, l'a�eul artiste de son fils Georges faisait moins de dommages dans la cervelle de ce dernier: la formule chimique d'o� l'on avait fait �clore Sulfatin n'�tait sans doute pas encore assez parfaite. Philox Lorris, absolument furieux, se promit d'adresser une verte semonce � son secr�taire.

D�COUVERTE DU BACILLE DE LA SANT�.—PROJECTION DE SES LUTTES AVEC LES DIFF�RENTS MICROBES.

Image plus grande V

M. le d�put� Ars�ne des Marettes, chef du parti masculin.—La Ligue de l'�mancipation de l'homme.—Encore Sulfatin!—M. Ars�ne des Marettes songe � son grand ouvrage.

Parmi toutes ces notabilit�s de la politique, de la finance et de la science que M. Philox Lorris comptait int�resser � ses id�es, il �tait un homme tout-puissant par son influence et sa situation, qu'il �tait important surtout de convertir. C'�tait le d�put� Ars�ne des Marettes, tombeur ou soutien des minist�res, le grand leader de la Chambre, le grand chef du parti masculin oppos� au parti f�minin, l'homme d'�tat qui, depuis l'admission de la femme aux droits politiques, s'efforce d'�lever une barri�re aux pr�tentions f�minines, de mettre une digue aux empi�tements de la femme, et qui vient tout r�cemment de cr�er pour cela la Ligue de l'�mancipation de l'homme.

Cette tentative, d'une v�ritable urgence, a tout naturellement suscit� � la Chambre une violente interpellation de Mlle Muche, d�put�e du quartier de Clignancourt, soutenue par les plus distingu�es oratrices du parti f�minin et par quelques d�put�s transfuges, trahissant par faiblesse honteuse la noble cause masculine.

Le parti f�minin � la Chambre.

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Mais M. des Marettes s'y attendait, il �tait pr�par�. Courageusement, pour d�fendre son œuvre, il a fait t�te � l'orage, dans le tumulte d'une s�ance comme on n'en a gu�re vu depuis les grandes journ�es de la derni�re R�volution; il est mont� quatre fois � la tribune, malgr� les plus furibondes clameurs, malgr� quelques paires de gifles et un certain nombre d'�gratignures re�ues des plus farouches d�put�es, et il a enlev�, avec 350 voix de majorit�, un ordre du jour approuvant l'attitude de stricte neutralit� observ�e par le gouvernement dans la question.

Le grand orateur est sorti de la lutte en meilleure situation que jamais et rien ne semble d�sormais pouvoir se faire � la Chambre et dans le pays en dehors de lui.

De la sympathie ou tout au moins de la neutralit� de M. Ars�ne des Marettes d�pend le succ�s des deux grosses affaires de la maison Philox Lorris: l'adoption du monopole du grand m�dicament national d'abord, et ensuite la contre-partie, la guerre miasmatique mise � l'�tude, la transformation compl�te de notre syst�me militaire, de l'arm�e et du mat�riel, et l'organisation en grand de corps m�dicaux offensifs.

M. Philox Lorris est certain du triomphe final de ses id�es; mais, pour arriver vite, il doit gagner � ses vues M. Ars�ne des Marettes. Aussi toutes les attentions du savant sont pour l'illustre homme d'�tat. D�s qu'il a vu qu'Ars�ne des Marettes commen�ait � en avoir assez de la musique et � somnoler, berc� malgr� lui par les grands airs d'op�ra t�l�phonoscop�s, M. Philox Lorris a entra�n� le d�put� vers un petit salon r�serv�, pour causer un peu s�rieusement, pendant le d�fil� des futilit�s de la partie artistique du programme.

�Je suis tr�s intrigu�, cher ma�tre, dit le d�put�, et je me demande � quelles nouvelles r�v�lations scientifiques �tonnantes nous devons nous attendre de votre part; le bruit court que vous allez encore une fois bouleverser la science...

—J'ai, en effet, quelques petites nouveaut�s � exposer tout � l'heure dans une courte conf�rence, avec exp�riences � l'appui; mais c'est justement parce que mes nouveaut�s ont un caract�re � la fois humanitaire et politique que je ne suis pas f�ch� de cette occasion d'en causer un peu avec vous avant ma conf�rence... Je serais singuli�rement flatt� de conqu�rir l�-dessus l'approbation d'un homme d'�tat tel que vous...

—Vos d�couvertes nouvelles ont un caract�re humanitaire et politique, dites-vous?

—Vous allez en juger! D'abord, mon cher d�put�, ayez l'obligeance de regarder un peu l�-bas � votre droite.

—Ces appareils compliqu�s?

—Oui. Au centre, parmi tous ces alambics, ces tubes coud�s, ces tuyaux, ces ballons de cuivre, vous distinguez cette esp�ce de r�servoir o� tout aboutit?...

—Parfaitement, fit M. des Marettes en se levant pour frapper du doigt sur l'appareil.

—Ne touchez pas, fit n�gligemment Philox Lorris; il y a l� dedans assez de ferments pathog�nes pour infecter d'un seul coup une zone de 40 kilom�tres de diam�tre...�

M. Ars�ne des Marettes fit un bond en arri�re.

�Si les dames et les messieurs en train d'�couter notre T�l�-concert, reprit Philox Lorris, pouvaient se douter qu'il suffirait d'une l�g�re imprudence pour d�terminer ici tout � coup l'explosion de la plus redoutable �pid�mie, j'imagine que leur attention aux roulades des cantatrices en souffrirait; mais nous ne leur dirons que tout � l'heure... Il y a ici, dans cet appareil, des miasmes divers cultiv�s, amen�s par des m�langes et amalgames, combinaisons et pr�parations, au plus haut degr� de virulence et concentr�s par des proc�d�s particuliers, le tout dans un but que je vais vous r�v�ler bient�t... Maintenant, cher ami, ayez l'obligeance de regarder � votre gauche...

—Ces appareils aussi compliqu�s que ceux de droite?

—Oui! Cet ensemble d'alambics, de tubes, de ballons, de tuyaux...

—Il y a un r�servoir aussi au milieu!

�IL Y A ICI ASSEZ DE FERMENTS PATHOG�NES POUR INFECTER UNE ZONE DE 40 KILOM�TRES!�

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—Tout juste! Consid�rez ce r�servoir!

—Encore plus dangereux que l'autre, peut-�tre?

—Au contraire, mon cher d�put�, au contraire! A droite, c'est la maladie, c'est l'arsenal offensif, ce sont les miasmes les plus d�l�t�res que je suis pr�t, au premier signal de guerre, � porter chez l'ennemi pour la d�fense de notre patrie! A gauche, c'est la sant�, c'est l'arsenal d�fensif, c'est le bienfaisant m�dicament qui nous d�fend contre les atteintes de la maladie, qui r�pare les d�g�ts de notre organisme et l'universelle usure caus�e par les surmenages outranciers de notre vie �lectrique!

—J'aime mieux �a! fit Ars�ne des Marettes en souriant.

—Vous savez, reprit Philox Lorris, combien nous g�missions tous de l'usure corporelle si rapide en notre si�cle haletant? Plus de jambes!

—H�las!

—Plus de muscles!

—H�las!

—Plus d'estomac!

—Trois fois h�las! C'est bien mon cas!

—Le cerveau seul fonctionne passablement encore.

—Parbleu! Quel �ge me donnez-vous? demanda piteusement Ars�ne des Marettes.

—Entre soixante-douze et soixante-dix-huit, mais je pense que vous avez beaucoup moins!

�PLUS D'ESTOMAC!�

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—Je vais sur cinquante-trois ans!

—Nous sommes tous v�n�rables aujourd'hui d�s la quarantaine; mais tranquillisez-vous, il y a l� dedans de quoi vous remettre presque � neuf... Vous commencez maintenant � pressentir l'importance des communications que j'ai � vous faire, n'est-ce pas? Mais j'ai besoin de mon collaborateur Sulfatin et de son sujet, un ex-surmen� que vous avez jadis connu et que vous allez revoir avec quelque �tonnement, j'ose le dire! Permettez que j'aille le chercher...�

NOS FLEUVES ET NOTRE ATMOSPH�RE.—MULTIPLICATION DES FERMENTS PATHOG�NES, DES DIFF�RENTS MICROBES ET BACILLES

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Sulfatin avait disparu d�s le commencement du concert. Philox Lorris, qui aurait bien voulu en faire autant, le tapage musical ne l'int�ressant nullement, ne s'en �tait pas inqui�t�. Sans doute, Sulfatin avait pr�f�r� causer dans quelque coin avec des gens plus s�rieux que les amateurs de musique. Quelques groupes d'invit�s, pour la plupart illustrations scientifiques fran�aises ou �trang�res, se livraient �� et l�, dans les petits salons, � de graves discussions en attendant la partie scientifique de la f�te, mais il n'y avait pas de Sulfatin avec eux.

O� pouvait-il �tre? Ne serait-il pas mont� prendre l'air sur la plate-forme? M. Philox Lorris s'informa. Sulfatin, peu contemplatif, n'�tait pas all� admirer l'illumination �lectrique de l'h�tel portant ses jets de lumi�re, au loin dans les profondeurs c�lestes, par-dessus la couronne stellaire des mille phares parisiens.

�J'y suis, se dit Philox Lorris, o� avais-je la t�te? Parbleu! Sulfatin avait une heure � lui; au lieu de rester � b�iller au concert, ce digne ami, il est all� travailler...�

�NOUS SOMMES TOUS V�N�RABLES D�S LA QUARANTAINE.�

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Le compartiment du grand hall o� se trouvait le laboratoire personnel de Sulfatin avait �t� r�serv�; on avait entass� l� tous les appareils qui eussent pu g�ner la foule. Philox Lorris y courut et frappa vivement � la porte, pensant que Sulfatin s'y �tait enferm�. Pas de r�ponse. Machinalement, M. Lorris mit le doigt sur le bouton de la serrure et la porte, non ferm�e, s'ouvrit sans bruit.

Dans l'encombrement des appareils, Philox Lorris n'aper�ut pas d'abord son collaborateur; � son grand �tonnement, il entendit une voix de femme parlant vivement sur un ton de col�re; puis la voix de Sulfatin s'�leva non moins furieuse.

�Qui diable mon Sulfatin peut-il invectiver ainsi? pensa Philox Lorris stup�fait et h�sitant un instant � avancer, partag� qu'il �tait entre la curiosit� et la crainte d'�tre indiscret.

—Et d'abord, mon bon, disait la voix de femme, je vous dirai que vous commencez � m'ennuyer en m'appelant � tout instant au t�l�phonoscope; c'est bien assez d�j� de vous voir arriver tous les jours avec votre mine de savant renfrogn�... Avec �a que votre conversation est amusante!... Tenez, j'en ai assez!

—Je n'ai pas la mine d'un de ces idiots qui tournent autour de vous au Moli�re-Palace... r�pliquait Sulfatin; mais pas tant de raisons... Vous allez me dire tout de suite qui �tait ce monsieur qui vient de filer? Je veux le savoir!

—Je vous dis que j'en ai assez de vos sc�nes incessantes! J'en

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