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Book online «De la Terre à la Lune, Jules Verne [best romance ebooks .txt] 📗». Author Jules Verne



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� l'op�ration avec un sentiment d'int�r�t facile � comprendre. A peine la bombe fut-elle ouverte, que le chat s'�lan�a au-dehors, un peu froiss�, mais plein de vie, et sans avoir l'air de revenir d'une exp�dition a�rienne. Mais d'�cureuil point. On chercha. Nulle trace. Il fallut bien alors reconna�tre la v�rit�. Le chat avait mang� son compagnon de voyage.

J.-T. Maston fut tr�s attrist� de la perte de son pauvre �cureuil, et se proposa de l'inscrire au martyrologe de la science.

Quoi qu'il en soit, apr�s cette exp�rience, toute h�sitation, toute crainte disparurent; d'ailleurs les plans de Barbicane devaient encore perfectionner le projectile et an�antir presque enti�rement les effets de contrecoup. Il n'y avait donc plus qu'� partir.

Deux jours plus tard, Michel Ardan re�ut un message du pr�sident de l'Union, honneur auquel il se montra particuli�rement sensible.

A l'exemple de son chevaleresque compatriote le marquis de la Fayette, le gouvernement lui d�cernait le titre de citoyen des �tats-Unis d'Am�rique.

XXIII

LE WAGON-PROJECTILE

Apr�s l'ach�vement de la c�l�bre Columbiad, l'int�r�t public se rejeta imm�diatement sur le projectile, ce nouveau v�hicule destin� � transporter � travers l'espace les trois hardis aventuriers. Personne n'avait oubli� que, par sa d�p�che du 30 septembre, Michel Ardan demandait une modification aux plans arr�t�s par les membres du Comit�.

Le pr�sident Barbicane pensait alors avec raison que la forme du projectile importait peu, car, apr�s avoir travers� l'atmosph�re en quelques secondes, son parcours devait s'effectuer dans le vide absolu. Le Comit� avait donc adopt� la forme ronde, afin que le boulet p�t tourner sur lui-m�me et se comporter � sa fantaisie. Mais, d�s l'instant qu'on le transformait en v�hicule, c'�tait une autre affaire. Michel Ardan ne se souciait pas de voyager � la fa�on des �cureuils; il voulait monter la t�te en haut, les pieds en bas, ayant autant de dignit� que dans la nacelle d'un ballon, plus vite sans doute, mais sans se livrer � une succession de cabrioles peu convenables.

De nouveaux plans furent donc envoy�s � la maison Breadwill and Co. d'Albany, avec recommandation de les ex�cuter sans retard. Le projectile, ainsi modifi�, fut fondu le 2 novembre et exp�di� imm�diatement � Stone's-Hill par les railways de l'Est. Le 10, il arriva sans accident au lieu de sa destination. Michel Ardan, Barbicane et Nicholl attendaient avec la plus vive impatience ce �wagon-projectile� dans lequel ils devaient prendre passage pour voler � la d�couverte d'un nouveau monde.

Il faut en convenir, c'�tait une magnifique pi�ce de m�tal, un produit m�tallurgique qui faisait le plus grand honneur au g�nie industriel des Am�ricains. On venait d'obtenir pour la premi�re fois l'aluminium en masse aussi consid�rable, ce qui pouvait �tre justement regard� comme un r�sultat prodigieux. Ce pr�cieux projectile �tincelait aux rayons du Soleil. A le voir avec ses formes imposantes et coiff� de son chapeau conique, on l'e�t pris volontiers pour une de ces �paisses tourelles en fa�on de poivri�res, que les architectes du Moyen Age suspendaient � l'angle des ch�teaux forts. Il ne lui manquait que des meurtri�res et une girouette.

�Je m'attends, s'�criait Michel Ardan, � ce qu'il en sorte un homme d'armes portant la haquebutte et le corselet d'acier. Nous serons l�-dedans comme des seigneurs f�odaux, et, avec un peu d'artillerie, on y tiendrait t�te � toutes les arm�es s�l�nites, si toutefois il y en a dans la Lune!

—Ainsi le v�hicule te pla�t? demanda Barbicane � son ami.

—Oui! oui! sans doute, r�pondit Michel Ardan qui l'examinait en artiste. Je regrette seulement que ses formes ne soient pas plus effil�es, son c�ne plus gracieux; on aurait d� le terminer par une touffe d'ornements en m�tal guilloch�, avec une chim�re, par exemple, une gargouille, une salamandre sortant du feu les ailes d�ploy�es et la gueule ouverte...

—A quoi bon? dit Barbicane, dont l'esprit positif �tait peu sensible aux beaut�s de l'art.

—A quoi bon, ami Barbicane! H�las! puisque tu me le demandes, je crains bien que tu ne le comprennes jamais!

—Dis toujours, mon brave compagnon.

—Eh bien! suivant moi, il faut toujours mettre un peu d'art dans ce que l'on fait, cela vaut mieux. Connais-tu une pi�ce indienne qu'on appelle Le Chariot de l'Enfant?

—Pas m�me de nom, r�pondit Barbicane.

—Cela ne m'�tonne pas, reprit Michel Ardan. Apprends donc que, dans cette pi�ce, il y a un voleur qui, au moment de percer le mur d'une maison, se demande s'il donnera � son trou la forme d'une lyre, d'une fleur, d'un oiseau ou d'une amphore. Eh bien! dis-moi, ami Barbicane, si � cette �poque tu avais �t� membre du jury, est-ce que tu aurais condamn� ce voleur-l�?

—Sans h�siter, r�pondit le pr�sident du Gun-Club, et avec la circonstance aggravante d'effraction.

—Et moi je l'aurais acquitt�, ami Barbicane! Voil� pourquoi tu ne pourras jamais me comprendre!

—Je n'essaierai m�me pas, mon vaillant artiste.

—Mais au moins, reprit Michel Ardan, puisque l'ext�rieur de notre wagon-projectile laisse � d�sirer, on me permettra de le meubler � mon aise, et avec tout le luxe qui convient � des ambassadeurs de la Terre!

—A cet �gard, mon brave Michel, r�pondit Barbicane, tu agiras � ta fantaisie, et nous te laisserons faire � ta guise.

Mais, avant de passer � l'agr�able, le pr�sident du Gun-Club avait song� � l'utile, et les moyens invent�s par lui pour amoindrir les effets du contrecoup furent appliqu�s avec une intelligence parfaite.

Barbicane s'�tait dit, non sans raison, que nul ressort ne serait assez puissant pour amortir le choc, et, pendant sa fameuse promenade dans le bois de Skersnaw, il avait fini par r�soudre cette grande difficult� d'une ing�nieuse fa�on. C'est � l'eau qu'il comptait demander de lui rendre ce service signal�. Voici comment.

Le projectile devait �tre rempli � la hauteur de trois pieds d'une couche d'eau destin�e � supporter un disque en bois parfaitement �tanche, qui glissait � frottement sur les parois int�rieures du projectile. C'est sur ce v�ritable radeau que les voyageurs prenaient place. Quant � la masse liquide, elle �tait divis�e par des cloisons horizontales que le choc au d�part devait briser successivement. Alors chaque nappe d'eau, de la plus basse � la plus haute, s'�chappant par des tuyaux de d�gagement vers la partie sup�rieure du projectile, arrivait ainsi � faire ressort, et le disque, muni lui-m�me de tampons extr�mement puissants, ne pouvait heurter le culot inf�rieur qu'apr�s l'�crasement successif des diverses cloisons. Sans doute les voyageurs �prouveraient encore un contrecoup violent apr�s le complet �chappement de la masse liquide, mais le premier choc devait �tre presque enti�rement amorti par ce ressort d'une grande puissance.

Il est vrai que trois pieds d'eau sur une surface de cinquante-quatre pieds carr�s devaient peser pr�s de onze mille cinq cents livres; mais la d�tente des gaz accumul�s dans la Columbiad suffirait, suivant Barbicane, � vaincre cet accroissement de poids; d'ailleurs le choc devait chasser toute cette eau en moins d'une seconde, et le projectile reprendrait promptement sa pesanteur normale.

Voil� ce qu'avait imagin� le pr�sident du Gun-Club et de quelle fa�on il pensait avoir r�solu la grave question du contrecoup. Du reste, ce travail, intelligemment compris par les ing�nieurs de la maison Breadwill, fut merveilleusement ex�cut�; l'effet une fois produit et l'eau chass�e au-dehors, les voyageurs pouvaient se d�barrasser facilement des cloisons bris�es et d�monter le disque mobile qui les supportait au moment du d�part.

Quant aux parois sup�rieures du projectile, elles �taient rev�tues d'un �pais capitonnage de cuir, appliqu� sur des spirales du meilleur acier, qui avaient la souplesse des ressorts de montre. Les tuyaux d'�chappement dissimul�s sous ce capitonnage ne laissaient pas m�me soup�onner leur existence.

Ainsi donc toutes les pr�cautions imaginables pour amortir le premier choc avaient �t� prises, et pour se laisser �craser, disait Michel Ardan, il faudrait �tre �de bien mauvaise composition�.

Le projectile mesurait neuf pieds de large ext�rieurement sur douze pieds de haut. Afin de ne pas d�passer le poids assign�, on avait un peu diminu� l'�paisseur de ses parois et renforc� sa partie inf�rieure, qui devait supporter toute la violence des gaz d�velopp�s par la d�flagration du pyroxyle. Il en est ainsi, d'ailleurs, dans les bombes et les obus cylindro-coniques, dont le culot est toujours plus �pais.

On p�n�trait dans cette tour de m�tal par une �troite ouverture m�nag�e sur les parois du c�ne, et semblable � ces �trous d'homme� des chaudi�res � vapeur. Elle se fermait herm�tiquement au moyen d'une plaque d'aluminium, retenue � l'int�rieur par de puissantes vis de pression. Les voyageurs pourraient donc sortir � volont� de leur prison mobile, d�s qu'ils auraient atteint l'astre des nuits.

Mais il ne suffisait pas d'aller, il fallait voir en route. Rien ne fut plus facile. En effet, sous le capitonnage se trouvaient quatre hublots de verre lenticulaire d'une forte �paisseur, deux perc�s dans la paroi circulaire du projectile; un troisi�me � sa partie inf�rieure et un quatri�me dans son chapeau conique. Les voyageurs seraient donc � m�me d'observer, pendant leur parcours, la Terre qu'ils abandonnaient, la Lune dont ils s'approchaient et les espaces constell�s du ciel. Seulement, ces hublots �taient prot�g�s contre les chocs du d�part par des plaques solidement encastr�es, qu'il �tait facile de rejeter au-dehors en d�vissant des �crous int�rieurs. De cette fa�on, l'air contenu dans le projectile ne pouvait pas s'�chapper, et les observations devenaient possibles.

Tous ces m�canismes, admirablement �tablis, fonctionnaient avec la plus grande facilit�, et les ing�nieurs ne s'�taient pas montr�s moins intelligents dans les am�nagements du wagon-projectile.

Des r�cipients solidement assujettis �taient destin�s � contenir l'eau et les vivres n�cessaires aux trois voyageurs; ceux-ci pouvaient m�me se procurer le feu et la lumi�re au moyen de gaz emmagasin� dans un r�cipient sp�cial sous une pression de plusieurs atmosph�res. Il suffisait de tourner un robinet, et pendant six jours ce gaz devait �clairer et chauffer ce confortable v�hicule. On le voit, rien ne manquait des choses essentielles � la vie et m�me au bien-�tre. De plus, gr�ce aux instincts de Michel Ardan, l'agr�able vint se joindre � l'utile sous la forme d'objets d'art; il e�t fait de son projectile un v�ritable atelier d'artiste, si l'espace ne lui e�t pas manqu�. Du reste, on se tromperait en supposant que trois personnes dussent se trouver � l'�troit dans cette tour de m�tal. Elle avait une surface de cinquante-quatre pieds carr�s � peu pr�s sur dix pieds de hauteur, ce qui permettait � ses h�tes une certaine libert� de mouvement. Ils n'eussent pas �t� aussi � leur aise dans le plus confortable wagon des �tats-Unis.

La question des vivres et de l'�clairage �tant r�solue, restait la question de l'air. Il �tait �vident que l'air enferm� dans le projectile ne suffirait pas pendant quatre jours � la respiration des voyageurs; chaque homme, en effet, consomme dans une heure environ tout l'oxyg�ne contenu dans cent litres d'air. Barbicane, ses deux compagnons, et deux chiens qu'il comptait emmener, devaient consommer, par vingt-quatre heures, deux mille quatre cents litres d'oxyg�ne, ou, en poids, � peu pr�s sept livres. Il fallait donc renouveler l'air du projectile. Comment? Par un proc�d� bien simple, celui de MM. Reiset et Regnault, indiqu� par Michel Ardan pendant la discussion du meeting.

On sait que l'air se compose principalement de vingt et une parties d'oxyg�ne et de soixante-dix-neuf parties d'azote. Or, que se passe-t-il dans l'acte de la respiration? Un ph�nom�ne fort simple. L'homme absorbe l'oxyg�ne de l'air, �minemment propre � entretenir la vie, et rejette l'azote intact. L'air expir� a perdu pr�s de cinq pour cent de son oxyg�ne et contient alors un volume � peu pr�s �gal d'acide carbonique, produit d�finitif de la combustion des �l�ments du sang par l'oxyg�ne inspir�. Il arrive donc que dans un milieu clos, et apr�s un certain temps, tout l'oxyg�ne de l'air est remplac� par l'acide carbonique, gaz essentiellement d�l�t�re.

La question se r�duisait d�s lors � ceci: l'azote s'�tant conserv� intact, 1� refaire l'oxyg�ne absorb�; 2� d�truire l'acide carbonique expir�. Rien de plus facile au moyen du chlorate de potasse et de la potasse caustique.

Le chlorate de potasse est un sel qui se pr�sente sous la forme de paillettes blanches; lorsqu'on le porte � une temp�rature sup�rieure � quatre cents degr�s, il se transforme en chlorure de potassium, et l'oxyg�ne qu'il contient se d�gage enti�rement. Or, dix-huit livres de chlorate de potasse rendent sept livres d'oxyg�ne, c'est-�-dire la quantit� n�cessaire aux voyageurs pendant vingt-quatre heures. Voil� pour refaire l'oxyg�ne.

Quant � la potasse caustique, c'est une mati�re tr�s avide de l'acide carbonique m�l� � l'air, et il suffit de l'agiter pour qu'elle s'en empare et forme du bicarbonate de potasse. Voil� pour absorber l'acide carbonique.

En combinant ces deux moyens, on �tait certain de rendre � l'air vici� toutes ses qualit�s vivifiantes. C'est ce que les deux chimistes, MM. Reiset et Regnault, avaient exp�riment� avec succ�s. Mais, il faut le dire, l'exp�rience avait eu lieu jusqu'alors in anima vili. Quelle que f�t sa pr�cision scientifique, on ignorait absolument comment des hommes la supporteraient.

Telle fut l'observation faite � la s�ance

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