readenglishbook.com » Foreign Language Study » Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗

Book online «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗». Author C.-A. Sainte-Beuve



1 ... 26 27 28 29 30 31 32 33 34 ... 101
Go to page:
Le Plus Piquant Comme Le

Plus Touchant Des Éloges: «Je Vous Félicite, Madame, Du Plaisir Que Vous

Avez De Revoir M. De Formont Et M. De Montesquieu; Vous Avez Sans Doute

Beaucoup De Part À Leur Retour, Car Je Sais L'attachement Que Le Premier

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 87

A Pour Vous, Et L'autre M'a Souvent Dit Avec Sa Naïveté Et Sa Sincérité

Ordinaire: «J'aime Cette Femme De Tout Mon Coeur; Elle Me Plaît, Elle Me

Divertit; Il N'est Pas Possible De S'ennuyer Un Moment Avec Elle.» S'il

Vous Aime Donc, Madame, Si Vous Le Divertissez, Il Y A Apparence Qu'il

Vous Divertit Aussi, Et Que Vous L'aimez Et Le Voyez Souvent. Eh! Qui

N'aimerait Pas Cet Homme, Ce Bon Homme, Ce Grand Homme, Original Dans

Ses Ouvrages, Dans Son Caractère, Dans Ses Manières, Et Toujours Ou

Digne D'admiration Ou Aimable!»--Sans Donc Nous Étendre Davantage Ni

Anticiper Sur Les Années Moins Brillantes, On Saisit Bien, Ce Me Semble,

La Physionomie Du Chevalier À Cet Âge Où Il Est Donné De Plaire: Brave,

Loyal, Plein D'honneur, Homme D'épée Sans Se Faire De La Gloire Une

Idole, Homme De Goût Sans Viser À L'esprit, Coeur Naturel, Il Était De

Ceux Qui Ne Sont Tout Entiers Eux-Mêmes Et Qui Ne Trouvent Toute Leur

Ambition Et Tout Leur Prix Que Dans L'amour.

 

[Note 91: _Oeuvres Posthumes_, An Vii, Tome Ier, Page 117]

 

On Ne Possède Aucune Des Lettres Qu'aïssé Lui Adressa; Nous N'avons

L'image De Cette Passion, À La Fois Violente Et Délicate, Que Réfléchie

Dans Le Sein De L'amitié Et Déjà Voilée Par Les Larmes De La Religion

Et Du Repentir. La Fille D'aïssé Et Du Chevalier Avait Deux Ans; Leur

Liaison Continuait Avec Des Redoublements De Tendresse De La Part Du

Chevalier, Qui Bien Souvent Pensait À Se Faire Relever De Ses Voeux Pour

Épouser L'amie À Laquelle Il Aurait Voulu Assurer Une Position Avouée Et

La Paix De L'âme. Il Semblait, En Effet, Qu'une Inquiétude Secrète Se

Fût Logée Au Coeur De La Tendre Aïssé, Et Qu'elle N'osât Jouir De Son

Bonheur. Les Attendrissements Mêmes Que Lui Causaient Les Témoignages Du

Chevalier Étaient Trop Vifs Pour Elle Et La Consumaient. Elle N'aurait

Rien Voulu Accepter Qui Fût Contre L'intérêt Et Contre L'honneur De

Famille De Celui Qu'elle Aimait. Une Sorte De Langueur Passionnée

La Minait En Silence. C'est Alors Que, Dans L'été De 1726, Mme De

Calandrini Vint De Genève Passer Quelques Mois À Paris, Et Se Lia

D'amitié Avec Elle. Cette Dame, Qui, Par Son Mariage, Tenait À L'une Des

Premières Familles De Genève, Était Française Et Parisienne, Fille De

M. Pellissary, Trésorier Général De La Marine; Elle Avait Eu L'honneur

D'être Célébrée, Dans Son Enfance, Par Le Poëte Galant Pavillon[92]. Une

Soeur De Mme De Calandrini Avait Épousé Le Vicomte De Saint-John, Père

De Lord Bolingbroke, Qu'il Avait Eu D'un Premier Lit: De Là L'étroite

Liaison Des Calandrin Avec Les Bolingbroke, Les Villette Et Les Ferriol.

Genève Ainsi Tenait Son Coin Chez Les Tories Et Dans La Régence. Mme De

Calandrini Était À La Fois Une Femme Aimable Et Une Personne Vertueuse;

Elle S'attacha À L'intéressante Aïssé, Gagna Sa Confiance, Reçut Son

Secret, Et Lui Donna Des Conseils Qui Peuvent Paraître Sévères, Et

Qu'aïssé Ne Trouvait Que Justes. Celle-Ci, Née Pour Les Affections, Et

Qui Les Avait Dû Refouler Jusque-Là, Orpheline Dès L'enfance, N'ayant

Pas Eu De Mère Et L'étant À Son Tour Sans Oser Le Paraître, Amante

Heureuse Mais Troublée Dans Son Aveu, Du Moment Qu'elle Rencontra Un

Coeur De Femme Digne De L'entendre; S'y Abandonna Pleinement, Elle

Éclata: «Je Vous Aime Comme Ma Mère, Ma Soeur, Ma Fille, Enfin Comme

Tout Ce Qu'on Doit Aimer.» De Vifs Regrets Aussitôt, Des Retours Presque

Douloureux S'y Mêlèrent: «Hélas! Que N'étiez-Vous Madame De Ferriol?

Vous M'auriez Appris À Connaître La Vertu!» Et Encore: «Hélas! Madame,

Je Vous Ai Vue Malheureusement Beaucoup Trop Tard. Ce Que Je Vous Ai Dit

Cent Fois, Je Vous Le Répéterai: Dès Le Moment Que Je Vous Ai Connue,

J'ai Senti Pour Vous La Confiance Et L'amitié La Plus Forte. J'ai Un

Sincère Plaisir À Vous Ouvrir Mon Coeur; Je N'ai Point Rougi De Vous

Confier Toutes Mes Faiblesses; Vous Seule Avez Développé Mon Âme; Elle

Était Née Pour Être Vertueuse. Sans Pédanterie, Connaissant Le Monde, Ne

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 88

Le Haïssant Point, Et Sachant Pardonner Suivant Les Circonstances, Vous

Sûtes Mes Fautes Sans Me Mésestimer. Je Vous Parus Un Objet Qui

Méritait De La Compassion, Et Qui Était Coupable Sans Trop Le Savoir.

Heureusement C'était Aux Délicatesses Mêmes D'une Passion Que Je Devais

L'envie De Connaître La Vertu. Je Suis Remplie De Défauts, Mais

Je Respecte Et J'aime La Vertu...» Cette Idée De Vertu Entra Donc

Distinctement Pour La Première Fois Dans Ce Coeur Qui Était Fait Pour

Elle, Qui Y Aspirait D'instinct, Qui Était Malade De Son Absence, Mais

Qui N'en Avait Encore Rencontré Jusque-Là Aucun Vrai Modèle. Cette

Pensée Se Trouve Exprimée Avec Ingénuité, Avec Énergie, En Maint Endroit

Des Lettres; Elles Suivirent De Près Le Départ De Mme De Calandrini,

À Dater D'octobre 1726. Mlle Aïssé Cause Avec Son Amie De Ses Regrets

D'être Loin D'elle, Du Monde Qu'elle A Sous Les Yeux Et Qu'elle Commence

À Trouver Étrange, Et Aussi Elle Touche En Passant L'état De Ses Propres

Sentiments Et De Ceux Du Chevalier; C'est Un Courant Peu Développé Qui

Glisse D'abord Et Peu À Peu Grossit. Après Bien Des Retards, Bien Des

Projets Déjoués, Il Y A Un Voyage Qu'elle Fait À Genève; Il Y En A Un

À Sens Où Elle Voit Au Couvent Sa Fille Chérie. Sa Santé Décroît, Ses

Scrupules De Conscience Augmentent, La Passion Du Chevalier Ne Diminue

Pas; Tout Cela Mène Au Triomphe Des Conseils Austères Et À Une

Réconciliation Chrétienne En Vue De La Mort, Conclusion Douce Et Haute,

Pleine De Consolations Et De Larmes.

 

[Note 92: Voir Dans Les _Oeuvres_ D'etienne Pavillon (1750, Tome Ier,

Page 169) La Lettre, Moitié Vers Et Moitié Prose, Adressée À Mlle Julie

De Pellissary, Âgée De _Huit Ans_. Dans L'une Des Lettres Suivantes

(Page 175), _Sur Le Mariage De Mademoiselle De Pellissary Avec M.

Warthon_, Il Faut Lire _Saint-John_ Et Non Pas _Warthon_.]

 

Ce Qui Fait Le Charme De Ces Lettres, C'est Qu'elles Sont Toutes Simples

Et Naturelles, Écrites Avec Abandon Et Une Sincérité Parfaite. «Il Y

Règne Un Ton De Mollesse Et De Grâce, Et Cette Vérité De Sentiment

Si Difficile À Contrefaire[93].» Je Ne Les Conseillerais Pas À De

Beaux-Esprits Qui Ne Prisent Que Le Compliqué, Ni Aux Fastueux Qui Ne

Se Dressent Que Pour De Grandes Choses; Mais Les Bons Esprits, _Et Qui

Connaissent Les Entrailles_ (Pour Parler Comme Aïssé Elle-Même), Y

Trouveront Leur Compte, C'est-À-Dire De L'agrément Et Une Émotion Saine.

Voltaire, Qui Avait Eu Communication Du Manuscrit Pendant Son Séjour En

Suisse, Écrivait À D'argental (De Lausanne, 12 Mars 1758): «Mon Cher

Ange, Je Viens De Lire Un Volume De Lettres De Mlle Aïssé, Écrites À Une

Madame Calandrin De Genève. Cette Circassienne Était Plus Naïve Qu'une

Champenoise. Ce Qui Me Plaît De Ses Lettres, C'est Qu'elle Vous Aimait

Comme Vous Méritez D'être Aimé. Elle Parle Souvent De Vous Comme J'en

Parle Et Comme J'en Pense.» La Naïveté De Mlle Aïssé N'était Pourtant

Pas Si Champenoise Que Le Malin Veut Bien Le Dire, Ce N'était Pas La

Naïveté D'agnès; Elle Savait Le Mal, Elle Le Voyait Partout Autour

D'elle, Elle Se Reprochait D'y Avoir Trempé; Mais Du Moins Sa Nature

Généreuse Et Décente S'en Détachait Avec Aversion, Avec Ressort. Elle

Commence Par Nous Raconter Des Historiettes Assez Légères, Les Nouvelles

Des Théâtres, Les Grandes Luttes De La Pellissier Et De La Le Maure,

La Chronique De La Comédie-Italienne Et De L'opéra (Son Ami D'argental

Était Très-Initié Parmi Ces Demoiselles); Puis Viennent De Menus Tracas

De Société, Les Petits Scandales, Que La Bonne Madame De Parabère A Été

Quittée Par M. Le Premier[94], Et Qu'on Lui Donne Déjà M. D'alincourt.

C'est Une Petite Gazette Courante, Comme On En A Trop Peu En Cette

Première Partie Du Siècle. Mais Que De Certains Éclats Surviennent Et

Réveillent En Elle Une Surprise Dont Elle Ne Se Croyait Plus Capable,

Comme Le Ton S'élève Alors! Comme Un Accent Indigné Échappe! «À Propos,

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 89

Il Y A Une Vilaine Affaire Qui Fait Dresser Les Cheveux À La Tête:

Elle Est Trop Infâme Pour L'écrire; Mais Tout Ce Qui Arrive Dans Cette

Monarchie Annonce Bien Sa Destruction.

 

[Note 93: Article Du _Mercure De France_, Août 1788, Page 181.]

 

[Note 94: Le Premier Écuyer, M. De Beringhen.]

 

Que Vous Êtes Sages, Vous Autres, De Maintenir Les Lois Et D'être

Sévères! Il S'ensuit De Là L'innocence.» N'en Déplaise À Voltaire, Cette

Petite Champenoise A Des Pronostics Perçants; Et Ceci Encore, À Propos

D'un Revers De Fortune Qu'avait Éprouvé Mme De Calandrini: «Quelque

Grands Que Soient Les Malheurs Du Hasard, Ceux Qu'on S'attire Sont Cent

Fois Plus Cruels. Trouvez-Vous Qu'une Religieuse Défroquée, Qu'un Cadet

Cardinal, Soient Heureux, Comblés De Richesses? Ils Changeraient Bien

Leur Prétendu Bonheur Contre Vos Infortunes.»

 

Un Trait Bien Honorable Pour Mlle Aïssé, C'est L'antipathie Violente

Et Comme Instinctive Qu'elle Inspirait À Mme De Tencin. Je Ne Veux Pas

Faire De Morale Exagérée; C'est La Mode Aujourd'hui De Parler Légèrement

Des Femmes Du Xviiième Siècle; J'en Pense Tout Bas Bien Moins De

Mal Qu'on N'en Dit. Tant Qu'elles Furent Jeunes, Je Les Livre À Vos

Anathèmes, Elles Ont Fait Assez Pour Les Mériter; Mais, Une Fois

Qu'elles Avaient Passé Quarante Ans, Ces Personnes-Là Avaient Toute Leur

Valeur D'expérience, De Raison, De Tact Social Accompli; Elles Avaient

De La Bonté Même Et Des Amitiés Solides, Bien Qu'elles Sussent À Fond

Leur La Bruyère. Mme De Parabère, Une Des Plus Compromises De Ces Femmes

De La Régence, Joue Un Rôle Charmant Dans Les Lettres D'aïssé, Et, Comme

Dit Celle-Ci, «Elle A Pour Moi Des Façons Touchantes.» C'est Elle Et Mme

Du Deffand Qui, Lorsque La Malade Désire Un Confesseur, Se Chargent De

Lui En Trouver Un; Car Il Faut Avant Tout Se Cacher De Mme De Ferriol

Qui Est Entichée De Molinisme, Et Qui Aime Mieux Qu'on Meure Sans

Confession Que De Ne Pas En Passer Par La Bulle. Mme Du Deffand Indique

Le Père Boursault, Mme De Parabère Prête Son Carrosse Pour L'envoyer

Chercher, Et Elle A Soin Pendant Ce Temps D'emmener Hors Du Logis Mme

De Ferriol. Il A Dû Être Beaucoup Pardonné À Mme De Parabère Pour

Cette Conduite Tendre; Dévouée, Compatissante, Pour Cette Oeuvre De

Samaritaine. Mais Mme De Tencin, C'est Autre Chose, Et Je Suis Un Peu

De L'avis De Cet Amant Qui

1 ... 26 27 28 29 30 31 32 33 34 ... 101
Go to page:

Free e-book «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗» - read online now

Comments (0)

There are no comments yet. You can be the first!
Add a comment