Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗
- Author: C.-A. Sainte-Beuve
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Tous Les Poëtes Qu'elle A Couronné Comme Le Plus Divin, Les Grecs Et
Homère, Appelaient La Postérité Et Les Générations De L'avenir Ce Qui
Est _Derrière_ ([ Grec Script]), Comme S'ils Avaient Réellement Tourné
Le Dos À L'avenir, Et Du Passé Ils Disaient Ce Qui Est _Devant_.
Notre Ami Avait Toujours Ce Grand Passé Littéraire Devant Les Yeux; Il
Aimait Ces Choses Désintéressées En Elles-Mêmes Et S'y Absorbait Avec
Oubli. Nous Ne Le Suivrons Point Ici Pas À Pas Dans La Série D'articles
Qu'il Laissa Échapper Durant Les Premières Années, Et Qui N'étaient
Que Le Trop-Plein De Ses Études Constantes. Son Fonds Acquis Sur
Les Sermonnaires Du Moyen Âge Lui Fournit Matière À De Piquantes
Appréciations De Michel Menot Et Des Autres Prédicateurs Dits
_Macaroniques_. Il Donna Nombre De Morceaux Sur L'époque Louis Xiii.
En Même Temps, Par Ses Portraits De M. Raynouard Et De Népomucène
Lemercier, Il Abordait Avec Bonheur Ce Genre Délicat De La Biographie
Contemporaine, Et Contribuait Pour Sa Part À L'élargir.
[Note 249: Il Faut Voir La Même Idée Rendue Comme Les Anciens Savaient
Faire, C'est-À-Dire En Des Termes Magnifiques, Au Xiie Chapitre Du
_Traité Du Sublime_ Qui A Pour Titre: «Suppose-Toi En Présence Des
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 197Plus Éminents Écrivains.» Longin (Ou L'auteur, Quel Qu'il Soit) Y Fait
Admirablement Sentir, Et Par Une Gradation Majestueuse, Le Rapport Qui
Unit Le Tribunal De La Postérité À Celui Des Grands Prédécesseurs.--Ne
Pas S'en Tenir À La Traduction De Boileau.--Racine, Dans Sa Préface De
_Britannicus_, A Usé Aussi, En Se L'appliquant, De La Pensée De Longin:
«Que Diraient Homère Et Virgile S'ils Lisaient Ces Vers? Que Dirait
Sophocle S'il Voyait Représenter Cette Scène?...»]
Autrefois Il Existait Deux Sortes De Notices Littéraires: L'une Toute
Sèche Et Positive, Sans Aucun Effort De Rhétorique Et Sans Étincelle De
Talent, La Notice À La Façon De Goujet Et De Niceron, Aussi Peu
Agréable Que Possible Et Purement Utile; Elle Gisait Reléguée Dans Les
Répertoires, Tout Au Fond Des Bibliothèques: Et Puis Il Y Avait Sur
Le Devant De La Scène Et À L'usage Du Beau Monde La Notice Élégante,
Académique Et Fleurie, _L'éloge_; Ici Les Renseignements Positifs
Étaient Rares Et Discrets, Les Détails Matériels Se Faisaient Vagues Et
S'ennoblissaient À Qui Mieux Mieux, Les Dates Surtout Osaient Se Montrer
À Peine: On Aurait Cru Déroger. J'indique Seulement Les Deux Extrémités,
Et Je N'oublie Pas Que Dans L'intervalle, Entre Le Niceron Et Le Thomas,
Il Y Avait Place Pour L'exquis Mélange À La Fontenelle. Pourtant, Chez
Celui-Ci Même, L'extrême Sobriété Faisait Loi. On A Tâché De Nos Jours
(Et M. Villemain Le Premier) De Fondre Et De Combiner Les Deux Genres,
D'animer La Sécheresse Du Fait Et Du Document, De Préciser Et De Ramener
Au Réel Le Panégyrique. Ce Genre, Ainsi Développé Et Déterminé, A
Parcouru En Peu D'années Ses Divers Degrés De Croissance, Et Charles
Labitte, On Peut Le Dire, L'a Poussé Au Dernier Terme Du Complet Dans
Une Ou Deux De Ses Biographies, Dans Celle De _Marie-Joseph Chénier_
Particulièrement. Il Était Infatigable À Féconder Un Champ Qui, En Soi,
A L'air Si Peu Étendu, Et À En Tirer Jusqu'à La Dernière Moisson. Il Ne
Se Bornait Pas Aux Simples Faits Principaux Ni À L'analyse Des Ouvrages,
Ni Même À La Peinture De La Physionomie Et Du Caractère; Il Voulait Tout
Savoir, Renouer Tous Les Rapports Du Personnage Avec Ses Contemporains,
Le Montrer En Action, Dans Ses Amitiés, Dans Ses Rivalités, Dans Ses
Querelles; Il Visait Surtout À Ajouter Par Quelque Page Inédite De
L'auteur À Ce Qu'on En Possédait Auparavant. Qu'il N'ait Pas Été
Quelquefois Entraîné Ainsi Au Delà Du But Et N'ait Pas Un Peu Trop
Disséminé Ses Recherches, Au Point D'avoir Peine Ensuite À Les Resserrer
Et À Les Ressaisir Dans Son Récit, Je N'essaierai Nullement De Le Nier;
Mais Il N'a Pas Moins Poussé Sa Trace Originale Et Vive, Il N'a Laissé À
La Paresse De Ses Successeurs Aucune Excuse; Et Il Ne Sera Plus Permis
Après Lui De Faire Les Notices Écourtées Et Sèches Que Quand On Le
Voudra Bien. Pour Montrer Cependant À Quel Point Dans Son Esprit Tout
Cela Se Rapportait À Des Cadres Élevés, Et Quel Ensemble Il En Serait
Résulté Avec Le Temps, Je Veux Donner Ici, Tel Qu'on Le Trouve Dans
Ses Papiers, Le Plan D'un Ouvrage En Deux Volumes, Où Seraient Entrés,
Moyennant Corrections, Plusieurs Des Morceaux Déjà Publiés. Le Critique
Supérieur Se Fait Sentir Dans Ce Simple Tracé Où Les Détails Ne Masquent
Rien. Nous Livrons Le Brillant Programme À Remplir À Quelques-Uns De Nos
Jeunes Vivants; Mais Nul, On Peut L'affirmer, Ne Saura Exploiter Dans
Toute Leur Abondance Les Ressources Que Charles Labitte Y Embrassait
Déjà.
Les Poëtes De La Révolution Et De L'empire.
Premier Volume.
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 198Léguée À La Génération De 89 Par Le Xviiième Siècle, Ou _Les Jardins_ De
Delille, Les _Odes_ De Le Brun Et Les _Élégies_ De Parny.--Vue Générale
Des Lettres Pendant La Révolution Et Sous Bonaparte.--Influence
Réciproque Des Événements Et Des Écrits.
Ii.--Beaumarchais, Ou La Transition De Voltaire À La Révolution.
(Fragments Inédits De _Figaro_.--Lettres Autographes De Beaumarchais,
Etc.)
Iii.--Marie-Joseph Chénier, Ou L'école De Voltaire En Présence De La
Révolution Et De L'empereur. (Lettres Inédites, Etc.)
Iv.--Michaud, Ou L'influence De Delille Et Le Royalisme Dans La Presse.
(Berchoux Et _La Quotidienne_.)
V.--Andrieux, Ou La Comédie Et Le Conte Pendant La Révolution. (Lettres
Inédites.)--Il Y Faudrait Faire Entrer Picard, Collin D'harleville, Dont
Andrieux Est L'aristarque.
Vi.--Étienne, Ou La Comédie Sous L'empire.--Origine Du Libéralisme De La
Restauration. (Lettres Inédites.)
Second Volume.
Vii.--Raynouard, Ou La Tragédie Nationale Aboutissant À L'érudition,
--Les Templiers Et Les Troubadours. (Documents Inédits.--Extraits De Ses
Mémoires Autographes.--Vers Manuscrits.)
Viii.--Ducis, Ou L'initiation Au Théâtre Étranger. (Ducis Grand
Épistolaire.--Ses Poésies Annoncent Lamartine.)--Originalité
D'_Abufar_.--Shakespeare Et Les Romantiques. (Lettres Inédites.)
Ix.--Lemercier, Ou Le Précurseur Des Innovations.--Il Est Le
Prédécesseur De Victor Hugo, Son Successeur À L'académie. (Pièces De
Théâtre Inédites De Sa Jeunesse Et Du Temps De La Révolution; Lettres
Autographes.)
X.--André Chénier, Ou Retour À L'antiquité.--Influence Sur L'école
Nouvelle Par L'édition De 1819. (Vers Inédits.--Documents Nouveaux.)
Xi.--Millevoye, Ou La Transition À Lamartine. (D'après Les Manuscrits Et
Papiers De Sa Famille.)
Xii.--Geoffroy, Ou La Critique Pendant La Révolution Et Sous
L'empire.--Histoire Du _Journal Des Débats_.
Conclusion.
Résumé Sur L'ensemble De Cette Époque Littéraire.--Bernardin De
Saint-Pierre, Mme De Staël Et Chateaubriand.--Les _Méditations_ De
Lamartine Et _L'indifférence_ De Lamennais.--Les Deux Poésies En
Présence.
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 199
Après Avoir Été Chargé Quelque Temps D'un Cours D'histoire Au Collège De
Charlemagne Et À Celui D'henri Iv, Charles Labitte Avait Été Envoyé À
La Faculté De Rennes Par M. Cousin (Avril 1840), Pour Y Remplir,
Provisoirement D'abord, La Chaire De Littérature Étrangère, Dont Il
Devint Plus Tard Titulaire. Ses Études, Déjà Si Étendues, Durent À
L'instant S'élargir Encore; Il Fallut Suffire En Peu De Semaines À
Ces Nouvelles Fonctions, Et Faire Face À Un Enseignement Imprévu. Ces
Brusques Et Vigoureuses Expéditions, Où L'on Pousse À Toute Bride La
Pensée, Sont Comme La Guerre, Et Elles Dévorent Aussi Bien Des Esprits.
Le Jeune Professeur Partit Pour Rennes, Non Sans S'être Auparavant Muni
Des Conseils Et Des Bons Secours De M. Fauriel, Le Maître Et Le Guide
Par Excellence En Ces Domaines Étrangers. Du Premier Jour, Il Aborda
Résolument Son Sujet Par Les Hauteurs Et Par Les Sources, C'est-À-Dire
Par Dante Et Par Les Origines De _La Divine Comédie_. On A Le Résultat
De Ces Leçons Dans Un Curieux Travail (_La Divine Comédie Avant
Dante_)[250], Où Il Expose Toutes Les Visions Mystiques Analogues, Tirées
Des Légendaires Et Hagiographes Les Plus Obscurs. M. Ozanam Et Lui
Semblaient S'être Piqués D'émulation Pour Creuser Et Épuiser La Veine
Étrange. On A Dit De Cette Spirituelle Dissertation, Devenue L'une Des
Préfaces Naturelles Du Pèlerinage Dantesque, Que C'était _Une
Histoire Complète De L'infini_ Tel Qu'on Se Le Figurait En Ces Âges
Crépusculaires: «Hélas[251]! Trois Ans À Peine S'étaient Écoulés, Et
Lui-Même Allait Être Initié À Ces Secrets De La Mort, Où Il Semble
Que, Par Un Triste Pressentiment, Il S'était Plu À S'arrêter Avec Une
Curiosité Mélancolique.» Il Allait Savoir Le Dernier Mot (S'il Est
Permis!) De La Vie Terrestre, De Cette Sorte De Vision Aussi Qu'on A Non
Moins Justement Appelée _Le Songe Incompréhensible_.
Obligé, D'après Les Conditions Universitaires, D'obtenir Le Grade De
Docteur-Ès-Lettres, Charles Labitte Prit Pour Sujet De Thèse Une Période
Fameuse De Notre Histoire Politique, Ou Du Moins Un Point De Vue
Dominant Dans Cette Période, Et Qui S'étendit Aussitôt Sous Sa
Plume Jusqu'à Former Le Volume Intitulé _De La Démocratie Chez Les
Prédicateurs De La Ligue_ (1841). En S'arrêtant À Ce Choix Ingénieux Et
Qui N'était Pas Sans À-Propos Dans Le Voisinage De La Sorbonne, L'auteur
Ne Faisait Qu'isoler Et Développer Une Des Branches De Cet Ancien
Premier Travail, Resté Inachevé, Sur Les Sermonnaires. C'en Était
Peut-Être Le Plus Piquant Épisode, Et Notre Ami L'a Élevé Aux
Proportions D'un Ouvrage Dont Il Sera Tenu Compte Dorénavant Par Les
Historiens. L'esprit De La Ligue, Pour Être Parfaitement Saisi Dans
Toute Sa Complication Et Démêlé Dans Ses Directions Diverses, Avait
Besoin De S'éclairer Du Jour Rétrospectif Qu'y Jette La Révolution De
89; Il Ne S'agit Que De Ne Pas Abuser Des Rapprochements. Si Jamais La
Chaire S'est Vue Réellement L'unique Ou Du Moins Le Principal Foyer
De Ce Qui A Depuis Alimenté La Presse Et La Tribune Aux Époques
Révolutionnaires, Ce Fut Bien Alors En Effet; C'est De La Chaire Que
Partait Le Mot D'ordre, Que Se Prônait Et Se Commentait, Au Gré De La
Politique, Le Bulletin Des Victoires Ou Des Défaites; Quand Il Fallut
Faire Accepter Aux Parisiens La Désastreuse Nouvelle D'ivry, Le Moine
Christin, Prêchant À Deux Jours De Là En Fut Chargé, Et Il Joua Sa
Farce Mieux Que N'aurait Pu Le Plus Habile Et Le Plus Effronté Des
_Moniteurs_. Il Réussit Bien Mieux Qu'aucun Article Du _Moniteur_ N'a
Jamais Fait, Il Laissa Son Public Tout Enflammé Et Résolu À Mourir.
Suivre Les Phases Diverses De La Chaire À Travers La Ligue, C'est Comme
Qui Dirait Écrire L'histoire Des Clubs Ou Des Journaux Pendant La
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 200
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