readenglishbook.com » Foreign Language Study » Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗

Book online «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗». Author C.-A. Sainte-Beuve



1 ... 88 89 90 91 92 93 94 95 96 ... 101
Go to page:
Morale, A Été

Brusquement Bouleversé. Quand On Voit Renverser Au Nom De La Démocratie

Une République Qui Possédait Déjà À Très-Peu Près Le Suffrage Universel,

On Se Demande Ce Qu'on Peut Vouloir Y Introduire De Nouveau, Et Quel

Genre De _Progrès_ Avouable Il Existe Par Delà? En Fait, C'a Été Dans

Le Canton De Vaud Le Triomphe Brutal De La Force Et Des Cupidités

Grossières Mises En Lieu Et Place De L'esprit, Du Droit Et De La

Liberté. Quelques Hommes Plus Éclairés, Et D'autant Plus Infidèles, Je

Ne Dirai Pas À Leur Conscience, Mais À Leur Intelligence, Menaient

À L'assaut La Plèbe Aveugle[302]. Par Un Juste Instinct, La Violence

S'attaqua D'abord À Ce Qu'il Y Avait De Plus Moral Et De Plus

Intellectuel. Le Corps Des Pasteurs Et Le Corps Académique Furent Les

Premiers Frappés. M. Vinet Personnellement Était Résigné À Tous Les

Sacrifices; Mais, Bien Qu'il Plaçât Autre Part Que Dans Le Monde Sa

Patrie Véritable, Il Dut Souffrir Et Saigner Au Dedans Pour Sa Chère

Patrie Vaudoise Ainsi Ravagée Et Rabaissée. Lorsque Nous Venions Parler,

Il Y A Quelques Mois, De La Mort De Rodolphe Topffer, Enlevé À La Veille

Même De La Révolution De Genève, Nous Aurions Pu Dire Qu'il Y Avait Eu

Une Opportunité Du Moins Dans Cette Mort Si Prématurée, Et, Rappelant

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 261

D'immortels Et Classiques Passages, Nous Aurions Pu, Sans Parodie, Nous

Écrier Qu'il N'avait Pas Eu Du Moins La Douleur De Voir Le Sénat Assiégé

Et Les Magistrats Réduits Par Les Armes: _Non Vidit Obsessam Curiam Et

Clausum Armis Senatum_... En Parlant De La Sorte, Nous N'aurions Rien

Dit D'exagéré. Le Cadre Ici Était Petit, Mais Le Patriotisme Ne Se

Mesure Pas Au Cadre. Il N'est Point De Petites Patries, Et Le Coeur

Surtout N'y Bat Ni Moins Vite Ni Moins Fort Que Dans Les Grandes. M.

Vinet N'a Pas Eu Le Même Bonheur Que Topffer; Il A Vu Son Cher Pays En

Proie Aux Violents, La Culture De Quinze Années Détruite En Un Jour, Ses

Meilleurs Amis Dispersés; Il A Bu Tout Le Calice D'amertume Dont Était

Capable Sa Nature Tendre, Et Il Est À Croire Que, Tout En Sentant Qu'il

En Souffrait Et Qu'il En Mourait, Sa Belle Âme En Tirait Un Nouveau

Sujet De Rendre Grâces Et De Bénir. Je Demande Pardon, En Parlant De

Lui, D'emprunter Presque Son Langage; Mais Quel Autre Moyen De Faire

Comprendre Un Ordre De Pensées Si Loin De Nous?

 

17 Mai 1847.

 

 

 

Études Sur Blaise Pascal

 

Par M. A. Vinet.

 

Il S'est Établi Depuis Quelques Années Un Vrai Concours Sur Pascal. Le

Docteur Reuchlin Dans Son Ouvrage Sur Port-Royal, L'académie Française

En Proposant L'éloge De L'auteur Des _Pensées_, M. Cousin Par Son

Célèbre Mémoire Qui Mettait L'ancien Texte En Question, M. Faugère Par

Son Édition Nouvelle, D'autres Encore, Ont Ouvert Une Controverse À

Laquelle Ont Pris Part Les Critiques Étrangers Les Plus Compétents:

Néander À Berlin, La _Revue D'édimbourg_ Par Un Remarquable Article De

Janvier 1847[303], Sont Entrés Dans La Lice: Il N'a Pas Fallu Moins Que La

Révolution De Février Pour Mettre Fin Au Tournoi. Aujourd'hui Le Débat

Peut Être Considéré Comme À Peu Près Clos; Et, Sans Parler De L'état Des

Esprits Qui Ont Assez À Faire Ailleurs, Toutes Les Raisons, Tous Les

Arguments Sont Sortis Tour À Tour, Tellement Que La Question Semble

Épuisée.

 

 

Un Des Volumes Les Plus Faits Pour Conduire À Une Conclusion

Satisfaisante Est Certainement Celui Que Les Amis De M. Vinet Viennent

De Recueillir, Et Qui Se Compose Des Leçons Et Des Articles Qu'il A

Donnés En Différents Temps Sur Ce Sujet. Personne N'a Pénétré Plus Avant

Que M. Vinet Dans La Nature Morale De Pascal, Et N'a Fait Voir Plus

Sensiblement Que Sous Le Héros Chrétien Il Y Avait L'_Homme_. Pour Ceux

Qui Lisent Les _Pensées_, Le Génie De L'écrivain A Quelquefois Donné

Le Change Sur La Méthode Et Sur Le Fond. L'éclat Soudain De Cette Vive

Parole, L'impétuosité Et Presque La Brusquerie Du Geste Et De L'accent,

Font Croire À Quelque Chose D'excessif, Et Même De Maladif, Qui Tient

À Une Singularité De Nature. On Se Sent En Présence D'un Individu

Extraordinaire. Le Travail De M. Vinet Consiste À Montrer Qu'en Mettant

À Part La Qualité Si Incomparable Du Talent, Tout Homme A Dans Pascal Un

Semblable Et Un Miroir, S'il Sait Bien S'y Regarder. Il Y A Un Pascal

Dans Chaque Chrétien, De Même Qu'il Y A Un Montaigne Dans Chaque Homme

Purement Naturel. Creusez En Vous-Même, Étudiez Et Sondez Votre Propre

Duplicité, Plongez En Tous Sens Au Fond De L'abîme De Votre Coeur, Et

Vous N'y Trouverez Pas Autre Chose Que Ce Que Pascal Vous A Rendu En

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 262

Des Traits Si Énergiques Et Si Saillants. La Théologie De L'auteur Des

_Pensées_, À La Bien Voir Et En La Dégageant Des Accessoires Qui N'y

Tiennent Pas Essentiellement, Porte En Plein Sur La Nature Morale De

L'homme; C'est Là Sa Force Et Son Honneur. On Pourrait Dire De M. Vinet

Lui-Même, Considéré Dans Son Oeuvre Et Dans Sa Vie, Qu'il Offrait En

Quelque Sorte L'image D'un Pascal Réduit Et Modéré, D'un Pascal Plus

Aisément _Circoncis_ Dans Ses Essors Et Dans Ses Désirs, Mais Dont Le

Centre Moral Était Le Même Et Dont Le Coeur Était Comme Taillé Sur Le

Coeur De L'autre.

 

J'indique L'esprit Du Travail De M. Vinet; Il Serait Difficile

D'analyser Ici Une Série De Leçons Et D'articles Critiques Qui Sont Déjà

Des Analyses. Une Idée Qui Est Particulière À M. Vinet Et À Ses Amis, Et

Que Les Théologiens Protestants Ont Volontiers Accueillie, C'est Que Les

_Pensées_ De Pascal, Dans L'état Où Les A Mises La Controverse Récente,

Et Ramenées Plus Que Jamais À L'état De Purs Fragments Grandioses

Et Nus, Sont Par Là Même Plus Propres À Un Genre De Démonstration

Chrétienne Qui Prend L'individu Au Vif, Et Peuvent Devenir La Base D'une

Apologétique Véritable, Tout Entière Fondée Sur La Nature Humaine.

Sans Me Permettre De Contredire Cette Vue, Qui Se Lie Étroitement À La

Croyance, Je Ferai Seulement Remarquer Que Tel N'était Point Exactement

Le Dessein Primitif De Pascal, Et Que, Tout En Insistant Au Début Sur

Les Preuves Morales Intérieures, Il N'aurait Rien Négligé, Dans Son

Ouvrage, De Ce Qui Pouvait Saisir L'imagination Des Hommes Et Déterminer

Indirectement Leur Persuasion. Il N'aurait Point Sans Doute, Comme Le

Fit Plus Tard L'illustre Auteur Du _Génie Du Christianisme_, Porté Ses

Principales Couleurs Sur Le Côté Magnifique Ou Touchant Du Catholicisme,

Considéré Surtout Dans Ses Rapports Avec La Société; Il N'aurait Pas

Cependant Négligé Les Grandeurs Et Les Beautés Aimables De La Religion.

Son Livre, En Un Mot, S'il L'avait Exécuté Comme Il L'avait Conçu,

N'aurait Pas Été Seulement Destiné Aux Moralistes Et Aux Penseurs; Il

Aurait Eu Pour Objet D'acheminer Et D'entraîner Tout Un Peuple Moins

Relevé De Lecteurs Par L'attrait, Par Le Mouvement Graduel Et L'émotion

Presque Dramatique D'une Marche Savamment Concertée. La Nouvelle

Apologétique Qu'on Pourrait Déduire Des _Pensées_ De Pascal, Telles

Qu'on Les Possède Actuellement, Ne Saurait S'adresser En Réalité Qu'à Un

Petit Nombre D'esprits Et De Coeurs Méditatifs; Et Elle Mériterait Moins

Le Nom D'_Apologétique_ Que De S'appeler Tout Simplement Une Forte Étude

Morale Et Religieuse Faite En Présence D'un Grand Modèle.

 

Quelque Nom Qu'on Lui Donne, Cette Étude Ne Peut S'entreprendre

Désormais En Compagnie D'un Auxiliaire Plus Utile Et Plus Sûr Que Ne

L'est M. Vinet, D'un Guide Connaissant Mieux Les Profondeurs Du Monde

Moral, Ses Défilés Étroits Et Ses Détours, Ses Abîmes Et Même Ses Orages

Cachés.

 

Ce Volume Publié Par Les Amis De M. Vinet N'est Que Le Premier De

Ceux Qui Paraîtront Successivement, Et Qui Nous Offriront Les Oeuvres

Complètes Du Savant Et Pieux Auteur. Les Volumes Suivants Contiendront

Quelques Parties D'un Cours Qui Embrassait La Littérature Du

Dix-Septième Siècle Et Celle Du Dix-Huitième. Les Moralistes Français Y

Sont L'objet D'un Examen Approfondi, Et L'on Pourra Reconnaître Dans Le

Critique Qui Les Juge Le Coup D'oeil De Leur Égal Et De Leur Pareil.

Parlant Du Grand Sermonnaire Bourdaloue, Et De Son Existence Cachée, En

Apparence Si Calme, Si Régulière, Et D'où Il Ne Nous Est Parvenu

Qu'une Parole Éloquente, M. Vinet A Dit: «Quels Mémoires Seraient Plus

Intéressants Que Ceux De Ce Religieux, S'il Eût Pu Songer À Les Écrire?

Voir, C'est Vivre, Et Bourdaloue, Ayant Beaucoup Vu, A Beaucoup Vécu. Et

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 263

Que Savons-Nous Encore S'il Ne Vécut Que Par Les Yeux? Sa Robe N'était

Pas Cette Doublure De Chêne Ou Ce Triple Airain À Travers Lequel Aucun

Dard Ne Peut Pénétrer Jusqu'au Coeur. Le Mouvement De Ses Artères

N'était Pas Aussi Calme Et Aussi Régulier Que L'ordonnance De Ses

Discours. Bourdaloue Était Vif, Il Était Prompt, Impatient Peut-Être;

Quelques Mots De Son Biographe, Qui Paraît L'avoir Bien Connu, Laissent

Entrevoir Qu'il Y Avait De La Fougue Dans Son Tempérament, Et Que, Dans

L'art De Maîtriser Son Coeur, Il Déploya Plus De Force Encore Que Dans

L'art De Maîtriser Sa Pensée. La Régularité Sévère, La Facture Savante

D'une Oeuvre D'art N'est Qu'au Regard Superficiel Le Signe D'un

Équilibre Imperturbable De L'âme; Les Plus Passionnés Sont Quelquefois

Les Plus Austères, Et La Force Qui Règle Peut Avoir Le Même Principe Que

La Passion Qui Entraîne Et Que L'enthousiasme Qui Crée.»--Si M. Vinet

Disait Cela De Bourdaloue Par Manière De Conjecture, On Peut Le Lui

Appliquer Plus Sûrement À Lui-Même: Il Était De Ceux Qui Vivent D'une

Vie Complète Au Dedans, Et Qui, Sans Rien Laisser Éclater, Arrivent À

Savoir Par Expérience Tout Ce Qu'il A Été Donné À L'homme De Sentir.

 

Je Lui Ai Dû, Pour Mon Compte, Une Des Plus Vives Et Des Plus Sérieuses

Impressions Que J'aie Éprouvées, Et Que Ce Nom De Bourdaloue Réveille En

Moi. Il Y A Neuf Ans[304], Je Revenais De Rome,--De Rome Qui Était Encore

Ce Qu'elle Aurait Dû Toujours Être Pour Rester Dans Nos Imaginations La

Ville Éternelle, La Ville Du Monde Catholique Et Des Tombeaux. J'avais

Vu Dans Une Splendeur Inusitée Cette Reine Superbe: Saint-Pierre M'avait

Apparu Avec Un Surcroît De Baldaquins Et D'or, Avec De Magnifiques

Tentures Et Des Tableaux Où Figuraient Les Miracles D'un Certain Nombre

De Nouveaux Saints Qu'on Venait De Canoniser. J'avais Admiré Surtout,

D'un Des Balcons Du Vatican, Les Horizons Lointains D'albano, Vers

Quatre Heures Du Soir. En Présence De L'apollon Du Belvédère, J'avais Vu

Notre Guide, L'excellent Sculpteur Fogelberg[305], Qui Le Visitait Presque

Chaque Jour Depuis Vingt Ans, Laisser Échapper Une Larme; Et Cette Larme

De L'artiste M'avait Paru, À Moi, Plus Belle Que L'apollon Lui-Même.

Un Bateau À Vapeur Me Transporta En Deux Jours De Civita-Vecchia À

Marseille, Et De Là Je

1 ... 88 89 90 91 92 93 94 95 96 ... 101
Go to page:

Free e-book «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗» - read online now

Comments (0)

There are no comments yet. You can be the first!
Add a comment