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Book online «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1, C.-A. Sainte-Beuve [ebook reader for surface pro .txt] 📗». Author C.-A. Sainte-Beuve



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Pectus_,

Se Reproduisent Dans Les Lettres Et Dans Les Vers De Sa Soeur. Ces Deux

Femmes Idolâtrent Ce Roi De Leur Sang Dont Elles Sont Glorieuses; Elles

Débordent Sitôt Qu'elles Parlent De Lui. La Mère Écrit À Son Fils Captif

Comme Madame De Sévigné À Sa Fille Absente: «A Ceste Heure... Je Cuyde

Sentir En Moy-Mesme Que Vous Seuffrez.» Marguerite Se Représente Aussi

Comme Une Autre Mère Pour Ce Frère Bien-Aimé, Quoiqu'elle N'ait Que Deux

Ans Plus Que Lui; Et, Le Revoyant Après Une Séparation, Elle Croit Lire

Dans Son Seul Regard Toute Une Tendre Allocution, Qu'elle Se Traduit De

La Sorte À Elle-Même:

 

  ........«C'est Celluy Que D'enfance

  Tu As Veu Tien, Tu Le Voys Et Verras;

  Ainsy L'a Creu Et Le Croys Et Croirras.

  Ne Crains Donc, Soeur, Par Crainte Ne Diffère;

  Je Suis Ton Roy, Aussy Je Suis Ton Frère.

  Frère Et Petit N'as Craint De Me Tenir

  Entre Tes Bras; Ne Crains Donc De Venir

  Entre Les Miens, Qui Suis Grand Et Ton Roy:

  Car En Croissant Croist Mon Amour En Moy.»

 

  Ainsy Parla L'oeil Plain De Charité,

  Et Voz Deux Bras Dirent: C'est Veritté[17].

 

Un Éditeur Instruit[18], Qui, Dans Un Premier Travail, Avait Jugé Fort

Sainement, Selon Nous, De Marguerite, A Cru Devoir Revenir Sur Ce

Jugement Dans Une Seconde Publication, Et Il A Été Conduit Par Une

Interprétation Laborieuse À Dénoncer Dans Le Coeur De Cette Princesse Je

Ne Sais Quel Sentiment Fatal Et Mystérieux, Dont Son Frère Aurait Été

L'objet. Mais La Lettre Qui, Par Ses Termes Obscurs, Avait Fourni

Matière À L'équivoque, A Été Depuis Lors Éclaircie, Rapportée À Sa

Vraie Date, Et Une Explication Naturelle L'a Replacée Au Nombre Des

Témoignages De Dévouement Que Marguerite Prodigua À Son Frère Durant Sa

Captivité. Cette Lettre N'offre Rien D'ailleurs De Plus Expressif Que Ce

Qu'on Lit En Maint Endroit Du Présent _Recueil_:

 

  O Quelle Amour! Et Qui Jamais L'eust Creue!

  Qui En Absence Est Augmentée Et Creue;

  Là Où Jamais Changement N'ay Trouvé;

  Tel Vous Ay Creu, Tel Vous Ay Éprouvé[19]!

 

Dans Un Voyage Qu'elle Faisait En Litière Durant La Semaine Sainte De

1547, Accourant En Toute Hâte Auprès De Son Frère Malade, Marguerite

Accusait La Lenteur Du Transport, Et, Dans Une Chanson Composée Le Long

Du Chemin, Elle S'écriait D'un Bond De Coeur Impétueux:

 

  Avancés-Vous, Hommes, Chevaulx,

  Asseurés-Moi, Je Vous Supplye,

 

[Note 17: Page 183.]

 

[Note 18: M. Génin. Il Faut Ajouter Qu'il Porta Dans Ses

Tergiversations Et Toute Sa Discussion Sur Marguerite Une Passion

Singulière Et Cette Humeur Acariâtre Qui Lui Était Habituelle.]

 

[Note 19: Page 185.]

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 44

 

  Que Nostre Roy, Pour Ses Grands Maulx,

  A Receu Santé Accomplie:

  Lors Seray De Joye Remplye.

  Las! Seigneur Dieu, Esveillés-Vous,

  Et Vostre Oeil Sa Doulceur Desplye,

  Saulvant Vostre Christ Et Nous Tous[20]!

 

De Telles Expressions De Mysticité Se Mêlent Perpétuellement À La

Profession De Sa Tendresse Pour Son Frère. Il Faut Y Faire La Part

Du Goût, Et Puis Reconnaître Aussi Que, Pour Marguerite, C'était Une

Dévotion Réellement Que L'affection Fraternelle. Comme Mouvement Bien

Sincère De Piété Non Moins Que De Poésie, Je Signalerai Un Très-Bel Et

Très-Vif Élan De Prière À Dieu, Père De Christ (Page 181); Le Jet De

L'oraison S'y Soutient D'un Bout À L'autre; C'est Un Curieux Exemple De

Verve Puritaine À Cette Époque.

 

Après Cela, Si L'on S'étonnait, Si L'on Souriait Encore De Voir Cette

Marguerite Si Fort En Contraste Avec La Première Idée Qu'on Se Fait

De L'auteur Des _Contes Et Nouvelles_, Nous Répondrions Que Notre

Impression Ne S'est Formée Que Sur La Lecture Des Pièces Qui Attestent

La Suite Sérieuse De Ses Pensées. Nous N'ignorons Pas Que Les Plus

Confidentielles Même De Ces Pièces Écrites Ne Disent Jamais Tout; Nous

Savons Que Le Xvie Siècle Particulièrement Avait Ses Grossièretés, Et

Que Le Coeur Humain A, De Tout Temps, Allié Bien Des Contraires.

Il Serait Donc Téméraire Et Presque Ridicule De Venir Répondre De

L'ensemble D'une Vie Et D'en Garantir Après Coup Les Accidents. Qu'il

Suffise D'avoir Saisi La Teneur Et L'habitude Élevée D'une Âme Durant

Les Longues Et Définitives Années[21].

 

[Note 20: Page 58.]

 

[Note 21: Parmi Les Publications De Date Postérieure Concernant

Marguerite, Je Veux Au Moins Indiquer Celle Du Comte H. De La

Ferrière-Percy, Qui Nous A Donné Le _Livre De Dépenses_ De La Digne

Reine,--Dépenses Des Plus Honorables, Des Plus Généreuses,--Et Une

_Étude Sur Ses Dernières Années_ (Paris, Aubry, 1862). Tout Examen Un

Peu Approfondi Tourne En L'honneur De La Bonne Et Belle Nature De Cette

Princesse.]

 

Le _Recueil_ Publié Par M. Champollion Donne, À La Suite Des Vers, Une

Soixantaine De Lettres En Prose, Écrites Par François Ier Ou À Lui

Adressées, Et Presque Toutes De Galanterie. Une Note En Marge D'un

Manuscrit Attribue Plusieurs De Ces Lettres À Diane De Poitiers. M.

Champollion, En Reproduisant Ce Nom De Diane, Est Le Premier À Faire

Remarquer Que La Supposition Offre Peu De Certitude Et De Vraisemblance.

Il N'y En A Aucune En Effet; Diane N'a Jamais Passé Pour Être Avec

François Ier Dans De Telles Relations. De Plus, Les Lettres De La

Maîtresse Anonyme Trahissent Une Situation Menacée; Il Y Est Question De

Haines, De Calomnies. On Sent Une Favorite Dont L'astre Baisse; Et Celui

De Diane Montait Au Contraire. Ces Lettres Contiennent, Au Reste, Assez

D'indications Indirectes Pour Qu'en S'y Appliquant On Ait Le Moyen

Peut-Être D'en Déterminer La Source. Mais En Valent-Elles La Peine?

Comme Échantillon Du Style Bizarre Et Alambiqué, Je Citerai Une Lettre

De François Ier, Que Le _Recueil_ Met À L'adresse De La Duchesse

D'alençon, C'est-À-Dire De Marguerite. Comprenne Qui Pourra Ce Jargon.

L'hôtel Rambouillet N'a Pas Inventé, Comme On Va Le Voir, Le Style Des

Précieuses:

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 45

 

    «Un Chascun Se Sçait Esjouir, Ma Mignonne, De Son Ayse; Mais Celuy

    Qui L'a, A Tant Forte Querelle, Qu'elle A Anticippé Et Occuppé Toute

    Demonstration, Si Qu'il Se Peult Dire Le Sentir Parfaictement. Par

    Quoy, Puisque Par Cette Raison Je Ne Puis, Encores Moins Doibs-Je

    Faire Tant D'injure À Ma Felicité Que De L'obliger Et Soubsmettre À

    La Foiblesse De Ma Pleume. Seullement Le Peult Sçavoir Vostre Esprit

    Et Amour Pour Estre Perpetuellement Escripte Au Pappier De Vostre

    Chair, Par L'ancre De Vostre Sang; Commung À Vous C. A.[22].»

 

[Note 22: Je Donne Le Texte De Cette Lettre D'après Le Manuscrit

De M. Cigongne, Non Que Ce Texte Soit Plus Intelligible Que Celui Du

_Recueil_ Imprimé, Mais Parce Qu'il En Diffère Assez Notablement. Les

Curieux, S'il En Est, Pourront Comparer Ensemble Les Deux Galimatias.]

 

Les _Poésies_ De François Ier, Fort Louées De Son Vivant, Rentrèrent

Dans L'obscurité Après Lui; Elles Y Restèrent, Et Personne Alors Ne

Songea À Les Publier. M. Champollion A Relevé Cet Oubli, Qui Tient À

Plus D'une Cause. D'abord Ces Poésies, En Général, Sont Décidément

Mauvaises, Et Les Contemporains Se Doutent Toujours Bien Un Peu De

Ces Choses-Là, Même Quand Ils Ne Le Disent Pas. Puis Le Goût Changea

Brusquement À La Mort De François Ier. Les Beaux Esprits De Sa

Génération, Les Marot, Les Bonaventure Des Periers, L'avaient Précédé

Dans La Tombe; Sa Soeur Marguerite Le Suivit De Près. Le Seul Mellin

De Saint-Gelais Survécut, Mais Il Avait Assez À Faire De Se Maintenir

Lui-Même Contre Le Flot Des Poëtes Survenants. Dans Les Dernières Années

De François Ier, L'influence De Marguerite, Celle Même De La Duchesse

D'étampes, Favorisaient À La Cour Une Sorte De Poésie Semi-Calviniste;

Les Courtisans Chantaient Les Psaumes De Marot; Diane De Poitiers, En

Arrivant À La Pleine Puissance, Désira D'autres Chansons, Et Le Cardinal

De Lorraine, Bon Catholique, Fut De Son Avis. La Jeune École Païenne De

Ronsard S'offrait, Et Elle Leur Convint D'autant Mieux Par Le Contraste.

Henri Ii Personnellement Aimait Peu Les Lettres, Et Il Est À Cet Égard

Le Plus Terne De Tous Les Valois; Mais Sa Soeur, La Seconde Marguerite,

Qui Devint Duchesse De Savoie, Se Déclara Hautement Protectrice De

La Jeune Bande. Le Passé Fut Rayé D'un Trait Et Comme Non Avenu. Les

_Poésies_ De François Ier Eussent Reparu Assez Hors De Propos En Cette

Ère Nouvelle. On Mit En Oubli Bien D'autres Productions De La Veille

Plus Dignes De Survivre, Et Dans Un Recueil Des _Marguerites Poétiques_,

Espèce D'anthologie Finale Qui Résume La Fleur Du Xvie Siècle[23], Je Ne

Vois Point Qu'à L'article Roses On Ait Daigné Se Souvenir De Cette Pièce

Si Gracieuse De Bonaventure Des Periers. La Seconde Moitié Du Siècle

Écrasa La Première.

 

[Note 23: _Les Marguerites Poétiques, Tirées Des Plus Fameux Poëtes

François, Tant Anciens Que Modernes_, Par Esprit Aubert, 1613.]

 

Aujourd'hui On Doit Des Remerciements À M. Aimé Champollion, Pour Avoir

Exhumé Et Mis Au Jour Cet Ensemble Des Royales Poésies. Historiquement,

Je L'ai Dit, Elles Ont Leur Intérêt Et Même Leur Importance; Au Point De

Vue Littéraire, Je Doute Fort Qu'elles Ajoutent Beaucoup À La Réputation

De François Ier. La Discrétion, Le Choix, C'est Là Le Secret De

L'agrément En Littérature, Et L'esprit Qui Préside Aux Informations

Historiques Obéit À Des Conditions Différentes. Le Moment Serait

Pourtant Venu, Je Le Crois, De Dresser Une Anthologie Française

Véritable, Et D'y Apporter À La Fois La Sévérité De L'érudition Et Celle

Du Goût. Il Y Aurait Avant Tout À Faire Un Travail Philologique De

Révision; Car Il Est Incroyable À Quel Point Les Textes De Ces Vieilles

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 46

Poésies Se Sont Corrompus; L'incorrection Des Copies Ou Des Impressions

S'est Ajoutée À Celle De La Langue Pour Embrouiller Le Sens De Certaines

Pièces, Qui, Bien Rétablies, Pourraient Paraître Ingénieuses. Nos

_Analecta_ Auraient Besoin Par Moments De La Sagacité D'un Brunck Ou

D'un Jacobs; Mais Des Esprits De Cette Trempe Ne Croiraient-Ils Pas S'y

Rabaisser? Quoi Qu'il En Soit, Une Honnête Mesure D'exactitude Et De

Finesse Suffirait À L'oeuvre. En Ce Qui Est Du Xvie Siècle, On Ne

Saurait Se Flatter, Dans Une Telle Anthologie, D'édifier Un Temple Du

Goût, Mais On Y Figurerait Très-Bien Un Temple De La Grâce. Chaque

Auteur Y Entrerait, Selon Son Rang, Avec Un Bagage Très-Allégé. Pour Le

Choix Du Bagage, On Devrait Être Rigoureux, Mais Avec Tact, Et Ne Pas

Imiter Ce Compilateur[24] Qui, En Introduisant Rémi Belleau, N'eut

D'autre Soin Que D'omettre La Pièce D'_Avril_, Précisément La Perle Du

Vieux Poëte; Il Y A Des Faiseurs De Bouquets Qui Ont La Main Heureuse!

Dans Un Tel Temple De La Grâce, Marot Présiderait Le Groupe Entier De

Ses Contemporains Pour Le Règne De François Ier; Louise Labé, À Côté De

Lui, Tiendrait La Guirlande, Au-Dessus Même De Marguerite. Bonaventure

Des Periers N'y Entrerait Qu'avec Une Seule

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